A l’heure où j’écris, j’ai mal.

Je sais qu’avec cette entame je prends le risque de vous perdre.

Ce n’est pas la ligne du parti ici que de poster de la tristesse ou de la colère. Ici le jeu est celui du beau profil et du maximum de like. Comme je me déteste de me voir les attendre moi aussi ou hésiter à publier cet article ci.

 J’ai mal car nos forêts brûlent.

Je viens de regarder un documentaire sur l’état des forêts françaises. On y montre les coupes rases, les labels de développement durable pour se donner bonne conscience, les hérésies de nos politiques publiques qui suivent une logique de marché destructrice.

Nos forêts brûlent et j’ai mal.

En voyant un bout de forêt rasé, j’ai les boyaux qui se tordent, j’ai envie de vomir, de me blottir sous ma couette, de me dire que c’est un cauchemar et que je vais me réveiller.

Franchement en voyant ces images, j’ai envie de pleurer…D’ailleurs je pleure…Et puis j’ai la gorge serrée…Ca bouge, j’ai maintenant envie de hurler.

Peut-être que vous pensez que c’est du masochisme.

Peut-être que vous vous dites que c’est une façon de se flageller, d’écoper la culpabilité de l’humanité.

Peut-être que vous pensez que tout cela on le sait déjà.

C’est vrai.

Je le sais. Toi qui me lis, tu le sais sans doute aussi.

Et pourtant, comment expliquer que nous ne soyons pas enchainé.e.s à ces arbres pour empêcher qu’ils soient broyés ?

Et je fais là, la supposition que nous ayons investigué la complexité du sujet.

Nous tenons à l’avenir de nos enfants. Nous tenons à l’air que nous respirons. Nous sommes conscients que nous ne pouvons survivre sans notre environnement.

Alors est ce que vraiment on sait ?

Malheureusement oui mais il semble que cela ne suffise pas.

Cela fait bientôt 3 ans que je m’interroge sans cesse sur ce qui déclenche l’action.

J’ai beaucoup lu, regardé des dizaines, une centaine peut-être, je ne les compte plus, de documentaires. J’interview les gens, je suis coach donc je suis aux premiers rangs pour observer ce qui met les gens en mouvement.

Je me prends comme laboratoire aussi, sans parler de mes proches que je ne cesse d’observer et d’interroger.

Mon enquête est loin d’être terminée, elle me prendra bien plus qu’une vie, mais je suis arrivée à la conclusion que ce qui manque c’est de l’amour.

 Oui, l’Amour avec un grand A !

Dans le documentaire un jeune forestier d’un nouveau genre qui préfère la tronçonneuse à l’abatteuse nous dit ceci : « Ce bout de forêt, on peut le voir comme un tas de fric ou comme un écosystème.»

C’est donc déjà une question de représentation. Mais qu’est ce qui fait alors la différence entre celui qui prend soin et celui qui exploite ?

On comprend à travers l’échange avec le journaliste que le jeune forestier a développé un lien émotionnel avec ses arbres. On comprend aussi que le terrain lui appartient, il l’a hérité de son grand-père.

Ce qui semble donc faire la différence, c’est ce lien entre l’humain et son environnement. Un lien émotionnel, sensuel, charnel. Un lien qui ne peut être vécu que sur le terrain.

Une façon de relationer qui n’existe pas dans le vocabulaire industriel.

Ce qui fait que ce forestier ne pourra jamais abattre une forêt par simple gain de marché c’est qu’il y tient.

Il ne s’agit pas de ne rien toucher. Il s’agit d’user de notre intelligence pour agir avec un esprit autre que celui de l’exploitant. 

Le forestier tient compte du rythme du vivant et use de son observation, de sa connaissance de l’écosystème et de sa raison pour jouir de ce qu’offre la forêt en même temps qu’il assure son renouvellement.

Je crois que notre coupure du vivant nous a rendu insensible. Elle nous a fait perdre cet instinct de symbiose avec notre environnement.

Le développement hors sol de l’humanité nous a rendu insensés.

Le développement extraordinaire de notre intellect s’est fait au détriment d’une reliance instinctive au vivant.

Nous nous sommes totalement coupé.e.s.

C’est donc un travail de restauration dans lequel il faut que nous nous lancions.

Ce lien émotionnel entre le forestier et sa forêt, cette tristesse profonde que j’ai ressentie aujourd’hui, montrent une voie pour agir de manière concernée.

Savoir ne suffit pas, il faut se relier.

C’est une des raisons majeures pour lesquelles j’ai décidé de quitter la ville avec ma famille pour prendre soin d’un bout de terre. Je crois que nous devons retrouver notre façon de l’embrasser, de l’habiter, de la remercier.

Trouvez votre bout de terre, venez-vous y installer, prenez en soin, observez les arbres, caressez les feuilles, allongez-vous dans l’herbe, baignez-vous dans l’eau, faites germer, plantez, respirez, savourez.

Ca y est, vous y êtes ?

Plus rien ne sera jamais comme avant. Vous ne pourrez plus laisser votre maison brûler.

Réapprendre à se relier est une voie de sagesse pour l’humanité.

Nathalie Richard

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