Quand on se lance dans sa quête de sens, comme dans n’importe quel projet, on a qu’une envie c’est de vouloir ‘y arriver’.
C’est l’expression consacrée.
Quoi de plus ‘normal’ que de vouloir ‘réussir’ n’est-ce pas ?
L’autre jour un ami me disait, voulant me rassurer au moment où je me sentais paniquée devant l’ampleur de notre projet : ‘quand les travaux du moulin seront terminés ça vous enlèvera une bonne épine du pied.’
J’ai failli acquiescer.
Acquiescement réflexe à des propos trop évidents.
Je n’ai jamais aimé le trop évident, et surtout quelque chose clochait.
Je me suis posée pour y voir clair.
Je me suis dit que si mon seul plaisir venait du fait ‘d’y arriver’, si je ne prenais pas de plaisir à faire ce dans quoi je m’engageais, je devrais questionner le fait même de continuer.
Si mon seul but était de terminer, c’est que je ne me lançais peut-être pas dans le bon projet.
La question est essentielle à se poser si pour soi il est hors de question de courir un marathon en sachant que tu vas souffrir tout du long.
Est-ce que je prends du plaisir, du vrai, à faire ce que je fais ?
Ou est-ce que je le fais pour prouver que je peux y arriver, pour savourer ce qui viendra après ou parce que je me sens, d’une manière ou d’une autre, obligé.e ?
Cette réponse, il n’y a que toi qui peux l’apporter. Elle requière une radicale et possiblement douloureuse honnêteté.
Je me souviens d’échanges avec Clémentine l’année dernière au sujet de Club Culotté sur des doutes que l’on avait, une peur qui encore parfois aujourd’hui repointe le bout de son nez.
Cette peur c’est la fameuse peur de ne pas y arriver.
Pour nous, le ‘y’ signifie vivre de notre activité.
On se disait : ‘on se donne 2 ans pour y arriver, si on n’y arrive pas, on arrêtera, on fera autre chose, on trouvera bien.’
Dans des moments de découragement, on se disait : ‘tous ces efforts pour ne même pas se payer !’
Je me souviens que dans ces instants je me disais que là aussi quelque chose clochait.
Et un jour frustrée, Georges s’est invité dans mes pensées. Oui oui Georges Clooney !
J’ai dit ‘ben oui mais what else ?’
Que pouvions nous faire d’autre ?
On adore accompagner, on adore coacher, on kiffe ce que l’on fait, on a une chance dingue de faire professionnellement ce que l’on aime le plus faire tout court, alors what else ?
Si on était vraiment en train de faire ce que l’on aime le plus faire, on avait juste pas le choix. On devait continuer encore et encore et faire en sorte que ça finisse par fonctionner.
‘Echouer encore mais échouer mieux.’ nous inspire Beckett.
Le problème avec la peur de ne pas y arriver c’est qu’elle met notre focale au mauvais endroit.
On ne pose pas LA bonne question !
Quand on passe du temps avec la peur, non seulement on n’est pas dans l’action – impossible d’être au four et au moulin en même temps- mais on évite la vraie question : suis-je en train de faire ce que j’aime vraiment faire ?
La peur suce toute notre énergie pour nous éviter les vrais sujets.
Il ne faut pas lui en vouloir, sa fonction à la peur c’est : l’inhibition.
Mettre de l’énergie voire dépenser de la matière grise pour cultiver sa peur, se rassurer en échafaudant un plan B ou se lamenter en se demandant quand est ce que l’on va y arriver, c’est faire fausse route sur là où se concentrer.
Si notre focale est placée sur ‘y arriver’, on risque d’être frustrée tout au long du trajet. Comme dans une randonnée où on a qu’une envie, c’est de terminer.
Si la focale est sur le plaisir que j’ai à faire ce que je fais, à l’affiner, alors je cultive et j’augmente ce plaisir.
Et, il se pourrait bien qu’au détour d’un virage, sans crier gare quand on ne l’attend plus, je finisse par ‘y arriver’.
Cette peur de ne pas y arriver, je l’entends aussi dans la bouche de nonbreux.ses culotté.es pour qui, une fois prise la décision de se lancer, le but c’est d’y arriver.
Arriver à quoi ? On n’en est pas toujours sure.
Il convient déjà de questionner ce qui se cache derrière le ‘y’.
Mais ce qui arrive systématiquement c’est cette peur.
Ca a beau être humain, en tous cas ‘normal’ culturellement car nous sommes endoctriné.e.s dès le plus jeune âge pour obtenir des résultats, pour performer, c’est un beau piège déguisé sous une belle intention.
Et surtout un gâchis d’énergie.
Et si je pousse le bouchon un peu : à force de s’empresser ‘d’y arriver’, c’est vers la seule ligne d’arrivée que l’on va accélérer. On regardera alors dans le rétroviseur et on se demandera : mais pourquoi étais-je si pressé.e ?
👉 Et si, au lieu de vouloir y arriver, on se lançait dans nos projets avec le goût de faire et la curiosité de soi se rencontrer, qu’est-ce que ça changerait ?
Parfois en visant la lune j’atteins les étoiles.