En 2016, je me suis jetée corps et âme dans une bataille.
J’avais alors un besoin viscéral de me consacrer à un combat, une lutte dans laquelle j’étais prête à tout donner.
Ce besoin faisait suite à une blessure, au burn out dont j’avais physiquement réussi à me relever, il me restait à réparer ce qui selon moi l’avait généré.
Ce besoin de réparation, le moteur de ma motivation, la danse dans laquelle je m’étais embarquée j’en étais à l’époque inconsciente.
J’avais simplement décidé de m’adonner à un combat qui avait du sens pour moi.
Quoi de plus normal, je pensais alors que lutter était la seule manière de faire bouger ce à quoi je tenais.
Mon objectif était de ré enchanter le monde autour de moi. Quel mal pouvait-il bien y avoir à ça ?
Je voyais l’industrie à laquelle je contribuais, la finance pour ne pas la nommer, désenchantée et de sa mission 1ère et du bien commun, selon moi, désolidarisée.
Qui de mieux placé.e.s que ses collaborateurs.trices engagé.e.s pour y remédier ?
Le pari était osé.
Ceci dit, tous les voyants semblaient au vert : le mandat accordé, le timing parfait, les forces en présence motivées.
Mais…Il y a un mais.
Parfois un seul ingrédient vient à manquer et le plan en vient à se gripper.
En l’occurrence je pense qu’il en manquait plusieurs mais c’est ici, d’un en particulier, que je souhaite vous parler.
Un ingrédient que je n’ai pas vu sur le moment, si persuadée de la noblesse de la mission que nous poursuivions.
Pourtant cet adage est bien connu : l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Un ange gardien d’ailleurs m’interpellait régulièrement.
Une collègue et amie me posait souvent la même question : qu’est ce qui fait Nathalie que tu as besoin de t’attaquer à une montagne ?
Je me souviens être maintes fois restée sèche devant cette question dont je ne comprenais pas la portée et que je confondais avec une remise en question.
Je ne faisais pas de distinction entre l’objet de mon attention et ma façon de l’adresser.
Je ne voyais qu’une façon de faire, c’était forcément la meilleure manière.
Je passais à côté.
Avec le recul, j’ai constaté que l’énergie qui m’animait était significativement emprunte de celle de l’opposition, de la dénonciation, de la condamnation.
L’inverse de l’inspiration.
Il y avait le clan des bons et celui du ‘mal’ contre lequel il fallait lutter.
Alors quand on oppose, devinez ce qu’il se passe ?
On créé une résistance en face.
Sans même s’en rendre compte, on donne de la puissance à ce que l’on dénonce.
Quand on focalise notre attention sur l’objet de notre exaspération, on lui fournit de l’énergie.
On nourrit une dynamique d’opposition qui ne peut qu’amener à de l’usure et de la destruction.
D’une guerre, rien ne peut advenir de fécond.
Lutter contre quelque chose c’est l’alimenter.
Alors ça veut dire quoi ? On laisse tomber ?
Bien sur que NON.
J’aimerais commencer par porter un regard de compassion.
Je crois que lutter est un réflexe sain de survie, c’est une étape inévitable quand l’injustice nous saisit.
Une étape adolescente qui permet de réveiller l’énergie.
Je crois aussi que nos combats sont issus de blessures personnelles, c’est humain, il n’y a aucun mal à ça.
Le problème c’est quand on en est inconscient.
Tant que ma blessure n’était pas panser, je restais obnubilée par la nécessité de lutter.
Quand j’ai pu la penser, quand j’ai pris conscience de ce qui en moi se tramait, j’ai pu décider dans quelle direction j’allais regarder.
J’ai alors été en mesure de choisir pour quel monde je désirais œuvrer.
Mais je ne m’y trompe pas, je ne serais jamais arrivée là si je n’avais pas appris de ce qui s’était passé.
Et pourtant, je le savais.
Sur mon vélo, très tôt, j’ai appris que si je porte mon attention sur l’obstacle, il y a de grandes chances que je m’y ramasse !
En apprenant à conduire ou à surfer, j’ai aussi constaté que je me dirige irrésistiblement là où mon regard est placé.
Le peu de judo que j’ai pratiqué m’a aussi rapidement appris que l’énergie que j’envoie peut être réutilisée contre moi.
Tant que je focalise sur le problème je m’empêche d’envisager d’autres directions.
Je me prive du champ des possibles, de la créativité infinie à ma disposition car toute mon énergie est enfermée là où je ne veux pas aller.
Il y a une 3ième voie, celle de la proposition.
Alors, quand nous luttons posons-nous ces questions :
Où est dirigée mon énergie ? Qu’est-ce que je ne vois pas, qu’est-ce que j’oublie ?
Est-ce que je me consacre au monde que je désire incarner ?
Est-ce que, quand je lutte, je ne suis pas en train d’alimenter ce que je souhaite dénoncer ?
L’énergie de la révolte est à double tranchant, la question est : au service de quoi tu la mets ?