Je suis féministe.
Je le suis depuis toujours. Je ne me suis jamais posé la question. Je n’ai jamais nié cette conviction. Ni même renié l’usage de ce mot.
En revanche, ce que cela veut dire pour moi est en mouvement, vivant.
Nathalie, mon associée, m’a souvent questionnée sur le sujet : « Pourquoi ? Ça veut dire quoi pour toi ? Ça te vient d’où ? ».
Aujourd’hui, je le pose.
Je le fais pour moi ; Pour celles et ceux que j’accompagne ; Pour celles et ceux qui me liront et chez qui ça résonnera ; Pour celles et ceux qui veulent pouvoir utiliser ce mot « féministe » pour ce qu’il est, sans craindre d’entendre en même temps les mâchoires de leurs interlocuteurs et interlocutrices se crisper.
> Être féministe pour moi, c’est d’abord un héritage et une transmission.
À travers les discours et l’éducation de ma mère. Je la vois encore m’amenant au collège me disant qu’il fallait que je sois indépendante financièrement, que j’étais la seule à pouvoir dire ce que je voulais. Ou encore me montrant l’été la maison de Benoîte Groult en Bretagne, m’expliquant qui elle était. Ou m’offrant « Deuxième sexe » de Simone de Beauvoir.
Et c’est ce que je tente de transmettre à mes enfants, fille et garçon.
> Être féministe pour moi, c’est également débattre, être en colère, refuser, ne pas rester anesthésiée face à ce qui me choque et me semble injuste.
C’est refuser que ce mot soit une insulte.
C’est ouvrir ma bouche pour dénoncer, pour discuter, pour faire avancer.
C’est donner de la voix à d’autres, plus expert·es ou qui font l’expérience de cette domination, pour témoigner, expliquer, transmettre, prendre leur place (coucou notamment Le Printemps des Fameuses).
> Être féministe pour moi, c’est une intuition et un rapport au monde.
> Être féministe c’est un engagement, une exigence et un cheminement.
C’est la nécessité de s’informer, de comprendre, et surtout d’écouter.
Ce sont des prises de conscience de mon propre vécu, de mes privilèges, mes propres biais, croyances et comportements : mon féminisme est à l’image de ma lutte intérieure où j’attends encore souvent l’autorisation et la validation pour oser, où j’objective le corps des femmes, le mien y compris, etc. À quel endroit joue-je le jeu du sexisme, et plus généralement de l’exploitation des femmes (quand je bosse ? quand je m’habille ? quand je fais appel aux services de femmes pour prendre soin de moi et de mon intérieur ? Quand je ris à telle blague ? etc.)
> Être féministe pour moi c’est promouvoir la liberté de toutes, tous, chacune et chacun : celle d’être et de faire ce qui lui chante (dans le respect de l’autre : cela va sans dire mais sait-on jamais). C’est une invitation, une conviction personnelle au service des toutes et tous. Et ça passe notamment par de la conscientisation de soi et du monde.
> Être féministe pour moi, c’est également devenu la volonté de renverser les rapports de dominations et de pouvoir sur les êtres et le vivant dans son ensemble.
> Être féministe pour moi ce sont des amitiés profondes avec des femmes et l’émergence d’un sentiment de sororité, que j’éprouve particulièrement aujourd’hui à Nantes.
> Être féministe, c’est être humaniste : c’est pour moi l’expression de mon amour de l’être humain et du refus de la peur de l’autre.
Parce que justement, encore aujourd’hui, quand je rentre le soir, il m’arrive d’avoir peur. J’ai le souvenir de retours dans le RER ou le métro à me faire reluquer, tripoter voire pire. J’ai le souvenir dans les couloirs étroits de mon collège de mains baladeuses et anonymes sur mon corps plus adulte que mon tempérament. J’ai le souvenir d’avoir peur de dire non, de déplaire, d’être habillée trop court, trop décolleté, d’être trop éméchée, trop bruyante, de parler à des inconnus et qu’ils s’en « fassent des films ».
Et que je voudrais qu’on cesse d’avoir peur.
Je le partage ici, car ma conviction est que cette expérience personnelle du monde contient en soi une part d’universel : elle est libératrice pour moi, ma fille, mes amies, mes soeurs, et également pour l’ensemble des êtres humains aspirant à un équilibre nouveau.
Féministe n’est pas un gros mot, c’est même comme le disait Benoîte Groult l’espoir d’un nouveau monde.
Photo : Collage féministe à Toulouse – crédit : Compte twitter @CollagesTLS