Je n’ai jamais pu me définir écologiste.

Je n’ai jamais pu me définir féministe.

Je sais pertinemment la valeur de ces engagements, ce ne sont juste pas par ces angles que je me reconnais. 

Les personnes qui portent ces combats, pourtant je les côtoie. Je suis à elles, spontanément attirée.

Je les observe, je les écoute, je les reconnais avec un grand respect, la qualité de leur engagement me donne envie de marcher à leurs côtés.

Pour autant, la musique qui les fait vibrer ne produit chez moi pas le même effet. 

L’objet de leur colère je le comprend, il fait du sens comme on dit en bon franglais, ma tête dit oui mais mon cœur reste plus ou moins à l’arrêt.

Je n’en avais jamais ouvertement parlé. D’ailleurs longtemps je m’en suis voulu.

Longtemps j’ai voulu faire partie du clan, faire partie des révolté.e.s. comme au lycée on fait partie des cool kids de la récré. Mais je n’y suis jamais arrivé…Je ne trouvais pas ce pour quoi j’allais me transcender. J’étais frustrée mais impossible de faire semblant.

Je vois aujourd’hui à quel point c’est important de ne pas se mentir sur l’endroit où vibre notre sensibilité.

Je vois à quel point on peut se tromper par souci d’adhérer, de bien penser, de chercher parfois un prétexte à l’objet de sa colère par besoin d’appartenir à une communauté.

Je vois à quel point c’est puissant de trouver là où je sens que pour moi, c’est naturel, évident.

La magie c’est que quand on l’a trouvée, il n’y a aucun doute, quand tu y es, le cœur sait et il te le dit.

Je vois à quel point ce que je considérais comme une difficulté, mon incapacité à adhérer quand je ne suis pas 100% alignée, est une chance, une exigence bien placée.

Il y a 2 ans, une connaissance masculine me met un ouvrage sous le nez.

Il me dit qu’il y a un livre pour moi, qu’il faut vraiment que je le lise.

Il ne l’avait jamais fait, nous n’échangeons que très rarement, son entrain m’a interpellée. C’est quelqu’un dont j’admire l’engagement alors tu penses, j’ai ouvert grand mes écoutilles.

J’ai été instantanément charmée par les thèmes évoqués : femmes, magie et politique.

Un triptyque magique, un cocktail détonnant, ces 3 mots associés m’ont complètement emballée. Je fonce me le procurer !

Je l’ouvre mais je ne parviens pas à m’y plonger. Je tente, je retente, non…Je le mets de côté.

Un an se passe. Je ne sais pourquoi, l’été suivant, je le mets dans mon baluchon, on ne sait jamais.

Il faut croire que le moment était venu, cette fois, je bois chaque mot, je surligne le cœur battant chaque paragraphe, je dévore les 400 pages. 

Ce livre c’est Rêver l’obscur de l’écrivaine, professeur, activiste et illustre figure américaine de l’écoféminisme Starhawk.

Ce livre marque un tournant dans ma vie. En tous cas dans la façon dont je me vis.

Un voile se lève. Des mots sont mis. Un écho profond résonne et me réjouis. Je me reconnais, je me sens autorisée, validée.

Je sens aussi un grand soulagement car j’ai la sensation que j’ai trouvé un canal par lequel diffuser mon énergie. Que j’ai trouvé une voie pour rencontrer des sœurs, des frères, des ami.e.s.

Comme beaucoup quand je leur en parle aujourd’hui, je n’avais jamais rien compris à ce que l’écoféminisme signifiait. J’avais rapidement passé mon chemin par délit d’a priori.

Non l’écoféminisme ce n’est pas une nouvelle forme de féminisme.

Non l’écoféminisme ce n’est pas la contraction de l’écologie et du féminisme.

Il ne se limite pas à certains champs d’application. Il n’a pas d’objet.

C’est une nouvelle manière d’être au monde.

C’est un changement de logiciel, de représentation, de mythologie.

C’est une révolution, non pas de notre façon de penser le monde, mais de l’écouter.

L’écoféminisme repose sur le constat que c’est la même représentation, le même logiciel interne, qui a généré la destruction de la dite nature et l’oppression des femmes comme tant de populations.

C’est ce que je trouve à la fois radical et si juste, ce qui a fait que je m’y suis immédiatement reconnue.

Il ne se limite pas à la partie émergée de l’iceberg, il a conscience que nos externalités sont la résultante d’un système culturel sous-jacent qu’il convient d’adresser.

‘On ne résout pas un problème avec le même état d’esprit que celui qui l’a généré.’A.Einstein.

La démarche écoféministe va chercher les causes profondes de notre malaise et de notre destruction pour agir à partir d’une autre façon d’exister.

La seule voie selon moi de vraiment pivoter et de sortir de l’ornière où est l’humanité.

Le paradigme qui est dénoncé, celui qui doit être nommé, qui doit sortir de l’ombre pour que nous puissions sortir du bois, c’est celui de la domination.

On le reconnait à la séparation de la chair et de l’esprit, de l’émotionnel et du rationnel, de la nature et de la culture.

On le reconnait par sa façon de tout séparer, de tout analyser, par cette vision mécaniste, par la perte de notre capacité à appréhender le monde de manière holistique, systémique, sensible, intégrée.

On l’observe à la place que ‘penser le monde’ a pris sur le fait d’humblement l’écouter.

On le voit à notre tête qui s’est du corps séparée, au mépris de la Terre pour le culte du progrès.

On le subit à l’excès de conquête, de compétition, de performance, d’accélération,

On le déplore au manque de valorisation du prendre soin, de prendre son temps et de ralentir pour ressentir.

Un déséquilibre qui créé notre maladie.

L’écoféminisme nous invite à remettre de la lumière sur ce qui a été oublié, dévalorisé.

Il nous invite à réhabiliter cette force de l’obscurité, cette qualité du féminin qui n’a pas de genre, qui rassemble les opposés et à laquelle nous sommes tou.te.s aujourd’hui convoqué.e.s.

Bien des humains ont cette intuition que quelque chose a été perdu, sans pour autant savoir le nommer et le mettre sur haut-parleur comme une chère amie le dit.

La démarche radicale de regarder en soi ce dont il s’agit, de se le ré approprier, c’est se désaliéner, c’est retrouver notre liberté, notre souveraineté.

Je suis écoféministe, peut être toi aussi ?

Nathalie Richard

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