L’une de nos grandes singularités à nous les humains est que nous soyons des êtres de récits et que nous agissions de concert, parfois à l’échelle planétaire, avec celui dans lequel nous croyons.  

Pourquoi je vous parle de cela ? 

Si comme moi vous vous interrogez sur les causes de notre crise de civilisation actuelle, si comme moi il vous est devenu insupportable de subir et vital d’agir, si comme moi les récits réducteurs ne vous convainquent pas et si vous pressentez qu’il va falloir questionner les racines du mal en profondeur pour engager un vrai tournant, alors peut être que cette singularité est une clé d’entrée. 

Le monde de l’entreprise, le monde personnel, le monde de l’économie, le monde de l’écologie, le monde de l’éducation, le monde du soin, le monde de la spiritualité ne sont pas des mondes séparés. Je crois que c’est d’avoir considéré qu’ils l’étaient, et d’avoir bâti notre civilisation sur cette mythologie, qui nous mène aux effondrements successifs de nos écosystèmes, à la profonde crise écologique, sociale et spirituelle que nous vivons aujourd’hui.

Cette mythologie, c’est celle de la séparation. Cette croyance qui me dit que je suis séparé.e des autres et du monde qui m’entoure, celle qui fait que je me suis coupé.e de la nature que j’ai traitée comme une ressource, que j’ai voulu dominer ou encore celle qui m’a fait croire que je pouvais produire, échanger, consommer et accumuler des richesses de manière infinie sans me soucier de mon impact sur le reste du monde.

Cette croyance c’est aussi celle qui nous fait voir tout rapport sous l’angle dominant/dominé, qui nous fait nous sentir impuissant au regard des institutions et des instances au pouvoir et qui suppose aussi que tout changement provient de l’application d’une force extérieure.

Cette mythologie de la séparation a façonné notre modèle de société. Nous comprenons aujourd’hui qu’il est en train de s’écrouler et qu’il est urgent de considérer de nouvelles fondations. 

Il ne s’agit pas d’être un peu plus intelligent et de trouver une manière plus ‘verte’ de produire de l’énergie avec plus de panneaux solaires, d’éoliennes ou des moteurs à hydrogène pour poursuivre notre train de vie.

Il ne s’agit pas de trouver une manière de réduire les statistiques d’émission de CO2 si c’est pour continuer à vivre de la même manière et poursuivre ce modèle.

Il ne s’agit pas de réduire ces émissions à condition que ça n’entrave pas les échanges et la croissance économique. Cela n’a pas de sens, c’est pure contradiction.

Tout cela ne ferait que déplacer ou masquer le problème qui est la destruction du vivant pour produire des ‘biens’ de consommation et servir une croissance financière sans limites.

Notre modèle détruit le vivant. Commençons par l’accepter.

Il ne s’agit pas de culpabiliser, il ne s’agit pas non plus de trouver des coupables, il s’agit d’accepter, c’est à dire, comme pour tout deuil, de ressentir ce que cela nous fait afin de passer en conscience à autre chose et d’agir à partir de là.

Et puis, continuons aussi par accepter que nous ne savons pas comment faire, que nous n’avons pas de solution.

Personne n’a de solution, aucun chef d’état, aucun CEO aussi puissant soit-il, aucun scientifique ne sait comment adresser la crise écologique et sociale que nous vivons. Aucune institution, aucun bouquin, aucun podcast ne saurait nous donner de solution.

Je ne dis pas que nous n’avons pas de réponses à certains symptômes, ces réponses sont essentielles, elles contribuent au changement et à la mise en action qui nous sort de l’apathie et des risques de désespoir. Je dis cependant que traiter les symptômes sans s’interroger en même temps sur leurs racines profondes c’est perpétuer le problème.

Commençons donc par faire pause et simplement prendre conscience que l’on ne sait pas. 

Ca vous fait quoi ?

Ne pas savoir n’est pas du défaitisme. Ne pas savoir c’est laisser place à la possibilité de faire autrement, de découvrir et de s’ouvrir à de nouvelles connaissances. Cela j’ai mis longtemps à le comprendre car j’avais, et ai encore souvent, l’urgence de résoudre les problèmes aussitôt qu’ils arrivent. C’est plus rassurant. Sauf que parfois, les solutions que nous connaissons ne fonctionnent pas et c’est là que le malaise apparait.

Vous connaissez ce malaise ? Celui qui nous déstabilise parce que nous ne savons pas et que quelque part, peut être inconsciemment, nous avons déjà compris que ce problème allait nous obliger à faire évoluer notre rapport à ce dernier et à nous-même. Celui qui va nous demander de sortir de notre zone connue bien confortable et qui va nous demander de remettre en question nos certitudes, de redevenir débutant, d’explorer, de nous perdre, d’échouer, de nous relever et finalement d’évoluer.

Prendre conscience que l’on ne sait pas, c’est donc cesser de se jeter sur des solutions pansements à une hémorragie et cesser de croire que les solutions apportées par l’état d’esprit qui a créé la situation vont la résoudre.

Dire ‘je ne sais pas’ c’est cesser humblement de perpétuer le problème. C’est le premier pas vers un changement de conscience. Car c’est bien de cela dont nous avons besoin. C’est à ce niveau de profondeur que nous allons devoir nous rendre si nous voulons réellement nous en sortir et nous remettre ensemble au service de la vie.

Ces mots d’Albert Einstein, déjà beaucoup cités mais peut être pas encore assez, illustrent à merveille le propos : “On ne peut résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l’a généré.”

Ce dont nous avons besoin est d’un miracle.

Vous froncez les sourcils ? Que vient faire ce terme pour le moins chargé ici ?

Je vous propose de justement faire l’expérience de vous décharger de votre croyance pour en côtoyer une autre en commençant par ce mot ‘miracle’. Car oui c’est bien d’un miracle dont nous avons besoin si l’on considère qu’un miracle est quelque chose qui ne fonctionne pas dans un modèle, dans un mode de pensée ou une mythologie donnée mais qui fonctionne sous une autre.

Le miracle viendra donc d’un changement de perception. Il n’y a rien d’ésotérique là dedans. Nous croyons à certaines choses c’est ce qui les fait fonctionner. Par exemple, nous croyons à la valeur de l’argent. Nous acceptons par exemple d’échanger de la nourriture contre un bout de papier parce que nous avons confiance dans le fait que ce dernier vaille quelque chose. Mais ce n’est qu’une histoire que nous nous racontons. Si demain cette confiance s’effondre, ce même bout de papier ne vaudra plus rien. Il s’agit donc bien d’une croyance, d’une histoire sur laquelle tout le monde s’accorde pour voir les choses d’une certaine manière et fonctionner ensemble.

Alors je me prends à rêver de ce miracle…

Imaginons que demain nous percevions le monde comme vivant et conscient au même titre que tout être vivant, alors peut être que nous passerions d’une société qui détruit la vie à une société qui la soutient. Il ne nous serait plus possible de la maltraiter comme il nous semble inconcevable de maltraiter un enfant.

Imaginons que demain nous percevions notre monde de manière interconnectée et non plus séparée, que nous percevions chaque être vivant comme une cellule, un organe ou un tissu de notre monde, que chaque être vivant soit donc aussi singulier que nécessaire au fonctionnement de notre planète alors je ne doute pas que nous ne nous comporterions plus de la même manière.

Alors peut-être que nos nouveaux récits seront basés sur le fait que tout est lié. Peut être que notre nouvelle mythologie est celle de l’interconnexion. 

Et si notre futur était de retomber en amour avec le vivant ? Vous savez, quand le bien être de l’autre est notre bien être.

Nous ne sommes donc pas face à une nécessité d’évolution de notre civilisation mais bien à une mutation.

Le miracle serait donc un changement de perception qui nous porterait à modifier notre rapport au monde, donc à considérer chaque être vivant comme faisant partie d’un tout dont la guérison dépendrait de la bonne santé de chacun.e.

Nous serions donc chacun.e un point d’acupuncture pour notre planète.

‘Il y a des fuites qui sauvent la vie : devant un serpent, un tigre, un meurtrier.

Il en est qui la coûtent : la fuite devant soi-même. Et la fuite de ce siècle devant lui-même est celle de chacun de nous.

Comment suspendre cette cavalcade forcée sinon en commençant par nous, en considérant l’enclave de notre existence comme le microcosme du destin collectif ? Mieux encore : comme un point d’acupuncture qui, activé, continuerait à guérir le corps entier ?’ Christiane Singer

Dans ce cas, remettre en question nos croyances et les histoires qui nous guident, révéler nos dons, trouver notre place, prendre conscience de notre interconnexion et mettre tout cela au service du vivant, serait le chemin initiatique qui nous est proposé.

Pour ma part, même si je ne sais pas à quoi le résultat ressemblera et que je n’ai pas de route toute tracée pour y aller, qu’importe, cette mythologie elle me fait envie ! C’est l’histoire dans laquelle je veux croire, elle me fait frissonner, elle me met en joie.

Et vous, de quel miracle pressentez-vous que l’on ne va pas pouvoir se passer ? Quelle mythologie vous fait profondément envie ? Et qu’attendez-vous pour la laisser vous guider ?

Texte inspiré, entre autres, des propos et visions de Charles Eisenstein, Thomas D’Ansembourg, Christiane Singer et Arnaud Riou.

Nathalie Richard

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